Il y a dix ans, si je t’avais dis de parier un lingot sur Seth Rogen, tu l’aurais fais ?
Nous sommes en 1999. C’est la mode des séries d’ado, y’en a pour tous les goûts : du vampires (Buffy), de la branlette intellectuelle (Dawson), du pas très crédible (Beverly Hills). Et au milieu, Freaks and Geeks. Produit par Judd Apatow, la série suit un groupe d’ado des 80’s. Au milieu des têtes d’affiches en devenir (James Franco, Jason Segel, John Francis Daley), il y a un gars qui paye pas trop de mine, qui parle peu mais a l’œil coquin : Seth Rogen.
A côté d’un Franco, on peut dire qu’on ne mise pas trop sur le potentiel du mec surtout quand son pote embarque pour Spider Man alors que lui se contente de seconds rôles (40 ans, toujours puceau) ou pire, d’apparitions (Anchorman).
A cet instant précis, le monde étiquette Rogen et ne voit en lui que le pote rondouillet permettant au premier rôle d’être plus beau, plus fort, plus cool. Mais lui s’en fout et commence à dessiner les courbes de son empire comique. Tout d’abord, il assume ce rôle discriminatoire que l’industrie du cinéma lui a attribué et surtout, oui surtout, il livre au monde entier son rire, signature ultime du style Rogen. Mais Apatow croit en lui et créer un film à sa mesure : En Cloque, mode d’emploi. Pendant qu’en France on glousse avec mépris en le classant direct en bouse américaine priant très fort que notre jeunesse soit épargnée par l’abrutissement américain.
Ah on a eu du nez sur ce coup là ! Aaaah oui ! C’est vrai que si on avait vu que le film rend hommage au mec moyen, celui qui ne réussit pas forcément tout, qui aime glander avec ses potes, un peu se défoncer aussi, le monsieur-tout-le-monde quoi ! Ça aurait été compliqué d’expliquer le génie du film. En Cloque, mode d’emploi, c’est la revanche du mec qui prend râteau sur râteau, qui pense ne jamais arrivé au niveau de son homologue athlétique, blond au nombre incalculable de dents. Ode à la nique, ici Rogen pécho le canon de l’époque, le Graal ultime : Katherine Heigl. Nous sommes en 2007 et Rogen vient de poser ses couilles sur Hollywood.
Son génie comique est enfin révélé, son rire déclenche des passions, mais il a des choses à raconter maintenant qu’il est écouté. Avec son alter ego, Evan Goldberg, ils co écrivent le futur monument du teen movie moderne : SuperGrave. Le scénario s’inspire trèèèès largement de leur propre histoire puisque les personnages principaux joués par Michael Cera et Jonah Hill portent leurs prénoms. Ils y racontent leurs vies d’ado, les problèmes de filles mais surtout ils approfondissent le genre « bromance » et traient de l’amitié entre hommes, de sa complexité, comme une histoire d’amour platonique plus profonde, plus subtile et plus assumée. SuperGrave permettra de révéler Emma Stone et surtout le personnage de Fogell aka McLovin. Le carton est total, l’ascension fulgurante.
Tout s’enchaine : Pineapple Express, Funny People, Zack et Miri font un porno, The Green Hornet.
C’est cette année 2013 que Rogen adapte au cinéma un vieux sketch avec son compatri-pote Jay Baruchel. Il retrouvent sa main gauche, Goldberg, et s’attèlent à l’écriture. Le monde découvre This is the End où Rogen réunit tous ses potes dans leurs propres rôles un poil caricaturés (Franco, Hill, Rudd, Segel, McBride, Cera, Robinson) et se paye le luxe de faire venir quelques guests : Emma Watson et Rihanna (il y en a un autre mais la scène est si extraordinaire, je ne DOIS pas vous spoiler ça). Bien que le succès soit total, beaucoup les ont taxé d’opportunistes et de faire un film de potes avec trop de références personnelles, excluant le spectateur. This is the End est comme un album souvenirs, qui retracent et concluent une période de la vie de ses protagonistes. Si vous êtes novices, vous pouvez être un peu perdu au début mais tant que vous adhérer à leur humour, vous y trouverez largement votre compte et vous donnera peut être envie de découvrir leurs films. Quoi qu’il en soit à ce moment là, les couilles qu’il avait posées en 2007, sont recouvertes d’or.
Rogen a beau être au top, il n’est pas parfait et compte quelques accidents industriels dans sa filmographie, mais on retiendra que cette grave erreur : Nos pires Voisins. En plus il a remis le couvert une seconde fois cette année…
En 2014, il ne passe pas loin de déclencher une Troisième Guerre Mondiale avec Franco à cause de The Interview. Scénario et réalisation sont signés de son duo avec Goldberg toujours. La Corée du Nord a moyennement apprécié de passer pour une conne avec cette histoire de présentateur et producteurs TV envoyés pour assassiner le Chef Suprême. Commence alors un vrai merdier : l’ONU s’en mêle et des hackers foutent le bordel chez Sony. Dans un premier temps, le film est reporté voir supprimé des salles américaines avant d’être proposé en VOD. Nouvelle ode à la nique, le film pulvérise le nombre de téléchargement en VOD.
Plus d’une décennie que Rogen occupe le terrain, s’est clairement updaté avec puissance et sans qu’on le voit arriver. Franchement je pensais qu’on était arrivé à maturité du personnage : quelle nouvelle déclinaison de Seth Rogen, Seth Rogen peut il nous apporter ? Et bien le film d’animation. Avec Sausage Party dont la sortie est prévue cet été et le trailer révélé il y a quelques jours, Rogen nous a bien soulevé. Avec une idée toute conne : que vivent et ressentent les aliments quand ils découvrent leur funeste destin dans une cuisine ?
Pour un mec destiné aux comédies de seconde zone à regarder son pote sexy se taper la meuf bonne, Seth Rogen a préféré n’en avoir rien à foutre de la petite case dans laquelle on l’a collé. Pour moi, le vrai talent de Rogen est de savoir raconter les histoires et d’avoir mis un coup de frais au comique de situation. Dans la lignée d’un Ben Stiller, Rogen est un vrai couteau suisse comique aussi à l’aise devant que derrière l’écran, sachant s’entourer, assumer sa place, son style et se renouveler.
Jtm Seth